Second-party data : de l’expérimentation à l’industrialisation
Media Consulting 27 février 2017La data est désormais au coeur de toutes les problématiques marketing : c’est un sujet vaste et complexe qui pose encore de nombreuses questions pour les annonceurs. Et c’est d’autant plus vrai lorsque l’on parle de second-party data.
La donnée second-party est, pour rappel, définie comme la donnée first-party d’une autre marque ou partenaire. Elle peut prendre exactement la même forme que la donnée first-party, à savoir : données d’audience collectées sur site ou app d’une marque, ou lors de campagnes média, fichier clients ou prospects, audiences des pages sur les réseaux sociaux…
À l’heure où les annonceurs ont éprouvé l’utilisation de leurs propres données, souvent limitées en termes de volume, au travers de campagnes média ou CRM, et que le retour sur investissement est avéré ; que le recours à l’achat de donnée third-party montre ses limites avec des performances pas systématiquement au rendez-vous, des prix non négligeables selon les typologies de données achetées et ce malgré des volumes disponibles importants ; les stratégies marketing basées sur de la second-party data offrent de nouvelles perspectives et potentiellement d’importants leviers de croissance pour les marques sur les années à venir.
Nombreuses sont les marques qui basent leurs stratégies marketing sur des moments de vie, naissance, déménagement, évolution de carrière, ou autre… Il est donc fondamental pour elles de pouvoir identifier les signaux qui traduisent ces intentions et ainsi adapter les actions à mener.
Sur le déménagement par exemple, en fonction de l’état d’avancement du projet, on peut retrouver différents acteurs ayant besoin de données pour optimiser leurs actions marketing :
- Avant achat : les constructeurs de programmes immobiliers, les comparateurs de biens, les banques…
- Au moment de l’emménagement : les assureurs, les fournisseurs d’énergie, les opérateurs téléphoniques, les enseignes de mobilier ou de matériel de bricolage…
Les annonceurs de ces secteurs peuvent donc mettre en commun leurs données pour améliorer l’efficacité de leurs dispositifs.
Les stratégies basées sur l’utilisation de second-party data présentent de réels intérêts à plusieurs niveaux :
- Pertinence : au vu de la complémentarité que peuvent avoir les marques entre elles lorsqu’il s’agit de toucher les mêmes cibles ou de proposer des produits connexes
- Volumes : la liste des partenaires éligibles pour une marque n’est pas limitée et ce sont les tests, stratégies menées et résultats mesurés qui déterminent si les objectifs sont atteints ou non
- Qualité : les données disponibles chez chacun des partenaires sont en général plus précises, riches et maîtrisées car collectées selon des règles moins opaques que sur de la third-party data
- Stratégique : les partenariats établis entre marques peuvent être exclusifs, et donc l’accès à la data restreint à une marque et non à l’ensemble des marques d’un secteur ou à l’ensemble des annonceurs intéressés par une typologie de data
Ce type de partenariat d’échange ou de partage de données entre marques à des fins marketing en est encore aux prémices sur le marché français, et relève plus de l’artisanat que de processus industriels maîtrisés de bout en bout, ce qui soulève plusieurs points d’attention :
- Comment cadrer les deals second-party data ? Ces échanges doivent répondre à des enjeux marketing bien précis, clairement énoncés et traduits en cas d’usage aux performances mesurables.
- Comment identifier une liste de partenaires potentiels ? La sélection d’une liste de marques capables de répondre aux enjeux définis doit suivre une démarche de priorisation en fonction des enjeux business et de leur faisabilité aussi bien stratégique, opérationnelle que commerciale. Ces marques peuvent être issues de secteurs différents, et de tailles et niveaux de notoriétés variés.
- Quel business model de collaboration adopter ? Certaines marques sont principalement intéressées par la commercialisation de leurs données. D’autres, en revanche, se l’interdisent pour des questions de politique interne ou de sensibilité des informations recueillies, et sont plus intéressées par l’achat de données auprès de marques partenaires. Certains annonceurs adoptent une démarche différente : ils s’entendent sur un accord d’échange de données sans contrepartie financière. Les premières initiatives de partage de données entre marques ont principalement servi à apprendre et évaluer l’incrément apporté par ces dispositifs complémentaires. Pour ces raisons, il n’existe pas encore de prix établis pour la commercialisation des données des marques.
- Quel périmètre pour le projet et quelles conditions d’utilisation des données second-party ? La marque doit bien cadrer la sélection des types de données pertinentes chez chaque partenaire (audience de site, fichier CRM, audiences sociales, etc..), ainsi que la durée et les méthodes d’exploitation de celles-ci (campagnes marketing, analyses cross-marque, profiling, etc…).
- Comment mettre en place ces mécaniques complexes tout en respectant la loi et les droits des internautes ? L’utilisation de données pour une marque est soumis à des règles bien précises dictées par la Commission Européenne : les utilisateurs doivent être informés des finalités de collecte et d’activation de leurs données. L’échange de données entre annonceurs nécessite souvent une mise à jour de la politique d’utilisation des données de chaque marque et l’obtention d’un opt-in de la part des clients.
- Quelles solutions techniques existe-t-il pour réaliser ces échanges ? Plusieurs options sont envisageables pour le partage de données entre marques, le plus simple étant de capitaliser sur l’existant : DMP, DSP, Ad server, CRM en place. Si les outils en place ne le permettent pas, il faudra déployer des solutions complémentaires pour mettre en place le partage de flux de données.
- Quels contenus proposer ? S’adresser à ses clients pour une marque est tout à fait logique, s’adresser à des clients ou prospects de partenaires l’est beaucoup moins. Il faut donc penser et adapter le message à ces audiences pour les traiter de façon pertinente et complémentaire.
Il y a fort à parier que ces initiatives se seront multipliées d’ici quelques mois ou années, et que le niveau de maturité sur le sujet ne sera plus du tout le même. Les plateformes techniques (DMP, DSP, Analytics) sont prêtes dans une certaine mesure à gérer ces problématiques mais le font principalement sur l’aspect technique (partage de cookies, échanges entre serveurs, connecteurs). La maturité entraînera forcément une sophistication supplémentaire ainsi que du « câblage » technique, des modules de gestion des flux financiers capables de calculer et démontrer le ROI, des modules analytiques capables de calculer les synergies entre marques…
En attendant on peut imaginer observer la mise en place rapide d’un marché parallèle entre annonceurs autour de la data, des plateformes et partenaires dédiés aux traitements de ces problématiques, voire des marketplaces où s’achètent et où s’échangent des données de marques – anonymes ou connues – pour alimenter et enrichir les campagnes marketing. On peut également imaginer que la performance engendrera le déport de budgets média au profit d’un achat de données plus qualifiées. Le marché américain a quelques années d’avance dans le domaine et ces mouvements sont clairement amorcés, les autres pays devraient donc rapidement y venir et adopter ces stratégies.