#TechJobs – L’objectif du media buying specialist : vous faire aimer la pub

Home Blends & Trends 16 juillet 2018

Ah le big data… Ce concept révolutionne le monde des entreprises, et dicte les stratégies de nombreuses sociétés qui se doivent, tant bien que mal, de suivre la tendance. Mais il a surtout fait émerger un genre d’experts nouveau : data analyst, data scientist, media buying specialist… Toute une série de nouveaux métiers ont vu le jour.

Salut Julien, peux-tu nous expliquer quel est ton métier ?

Je suis « media buying specialist », c’est-à-dire expert en (bon) paramétrage des campagnes digitales. Problèmes de qualité dans la diffusion (diffusion sur des sites douteux, impressions payées mais non vus…), mauvais ciblage, manque de transparence sur les modèles d’affaires des prestataires et sur l’utilisation des données personnelles… La publicité en ligne n’a pas toujours eu bonne presse ces dernières années. L’enjeu clef pour les marques aujourd’hui consiste à réussir à afficher des publicités qualitatives et respectueuses des utilisateurs, sans compromettre l’efficacité (et donc la rentabilité) des investissements.

Nous sommes, quotidiennement, de plus en plus exposés à la publicité en ligne. Liens commerciaux sur Google, posts sponsorisés sur Instagram, ou encore bannières in-app, la publicité digitale est omniprésente, et parfois perçue comme intrusive. Les internautes sont de plus en plus nombreux à utiliser des  ad blocker : 11 % dans le monde aujourd’hui selon selon PageFair, et 30 % d’ici fin 2018 selon eMarketer. Le problème, c’est que la qualité des publicités n’évolue pas aussi rapidement que la technologie, et encore moins que l’adoption des adblockers.  Personnellement, il m’arrive fréquemment d’être ciblé par une  bannière pour des articles féminins, ou de supporter avec agacement l’affichage de pop-up inadaptées…

Ce sont ces écueils que j’essaye d’éviter en tant que « media buyer specialist ». En commençant ce métier il y a 3 ans et demi, je me rappelle m’être dit : « Quitte à devoir supporter de la publicité, autant la rendre utile ou intéressante ! » À l’ère numérique, la publicité est au coeur de nombreux modèles d’affaires et sa disparition n’est en effet pas pour demain ! Ma mission principale est donc de créer, d’optimiser et de piloter un, voire plusieurs leviers, en m’efforçant de tout mettre en œuvre pour atteindre les niveaux de qualité et de performance attendus.

 « Media buying specialist », c’est pas un peu compliqué comme nom de métier ? Pourquoi pas media « buyer » ou « trader » ou « acheteur média » en français ?

Oui c’est vrai, mais c’est un nouveau métier ! « Media buyer » n’est pas utilisé, on entend « media trader » mais il s’agit généralement uniquement d’achat  programmatique. Or, on n’achète pas qu’en programmatique. « Acheteur média » existe en français, mais le terme a des connotations très « ancien monde ». Celui où la publicité était achetée par des grosses agences qui étaient des centrales d’achat, et où les achats se faisaient de gré à gré, au téléphone et à l’avance ! Une fois qu’on a dit ça, « media buying specialist » ne sonne pas si mal.

As-tu vu des évolutions dans ton métier depuis que tu as commencé à travailler chez 55 ?

Oui ! L’écosystème s’est fortement complexifié que ce soit en termes de canaux, d’outils, ou de modes d’achat… Il a fallu composer avec l’essor du mobile, de la vidéo, et appréhender de nouveaux formats  ( in-stream, in-app, true-view, etc…). Et c’est sans parler de nouvelles problématiques telles que l’ attribution, l’activation média des segments d’une  DMP, la traçabilité  ROPO, etc.

Côté annonceur, j’ai senti les attentes se faire de plus en plus fortes, notamment sur le plan de la qualité de l’environnement de diffusion (la «  brand safety »). Mesurer précisément l’efficacité des campagnes de bout en bout pour rendre compte des investissements à l’euro près, définir et ajuster le  mix média pour optimiser le ROI, garantir la « brand safety » pour protéger l’image de marque… Toutes ces problématiques sont  devenues primordiales. Mais la résolution de ces challenges ne se fera pas en un coup de baguette magique.

Il m’arrive encore de voir des grandes marques diffuser leurs annonces sur des sites au contenu sensible (cf. récente polémique de l’ANA avec Breitbart), ou, malgré toutes précautions, d’acheter des impressions non qualitatives et de ne m’en rendre compte qu’a posteriori. Il est en effet impossible aujourd’hui de garantir une qualité optimale du premier coup. Une phase de test est nécessaire pour contrôler et exclure manuellement certains emplacements si besoin.

Concrètement, que fais-tu au quotidien, quelles sont tes tâches ?

Je propose et mets en place les campagnes les plus adaptées pour remplir les objectifs de mon client annonceur, en ayant toujours en tête de concilier rentabilité des investissements et qualité des publicités. D’expérience, plus la publicité est pertinente (c’est-à-dire adaptée au contexte et à l’audience), plus les chances d’atteindre ce double objectif sont élevées. Il y a donc un cercle vertueux à mettre en place, autour du trio pertinence / qualité de l’expérience / efficacité. Cela passe en général par le choix du ciblage, des formats, du segment d’audience ou la réalisation d’ A/B Test.

J’ai une routine matinale organisée autour de la surveillance. Je consulte les rapports pour vérifier que les objectifs de budget et de diffusion sont respectés. Ensuite, je fais ma veille pour être au courant des nouvelles fonctionnalités ou produits qui sortent, et des d’événements sectoriels intéressants pour mon équipe ou mon client. Je consacre beaucoup de temps à l’optimisation des campagnes – cela veut dire produire des rapports détaillés sur tel ou tel aspect des campagnes, d’un levier pour chercher ce qui fonctionne mal, pas, ou particulièrement bien. C’est un travail d’enquête et d’analyse qui implique de prendre en compte le contexte « réel » : pourquoi cette campagne de lancement de la collection printemps/été ne marche-t-elle pas ? Est-ce parce qu’elle est mal paramétrée ou parce que les températures sont trop basses pour la saison ?

Avec quel type de profils travailles-tu ?

Côté client, mes interlocuteurs sont principalement les équipes opérationnelles d’acquisition, avec des interactions ponctuelles avec les équipes de développement et d’intégration pour des questions de gestion de tags et de flux. Il y a aussi des réunions avec des responsables digitaux. La relation client est très importante ; on est dans un rapport d’échange permanent, mais aussi de pédagogie. Je cherche en permanence le meilleur moyen d’expliquer telle action, telle stratégie recommandée. Le « media buying specialist » est un référent naturel dans la montée en compétences nécessaire chez les annonceurs. Besoin d’améliorer les connaissances métier, ou réflexion sur une possible internalisation de l’achat média, le « media buying specialist » est l’interlocuteur de prédilection, fort de sa relation de proximité.

En interne aussi, le partage d’expérience est valorisé et permanent. Je travaille très étroitement avec les consultants de 55, et régulièrement avec les experts en  tracking et les ingénieurs pour les questions de paramétrage technique : tracking, automatisation des rapports et des flux, accès aux  API, requêtage…

Quelle est la différence entre faire ton métier en agence ou directement chez l’annonceur ?

En agence, il y a plus de variété : dans les missions, dans les secteurs abordés, dans les niveaux de budget géré, dans les niveaux de maturité des annonceurs, ou encore dans les objectifs (branding et visibilité, ou alors performance). On acquiert une vision plus globale plus rapidement. On est en contact avec les dernières solutions du marché, que l’on peut tester et éprouver. En fait, on devient une sorte de couteau suisse.

Chez l’annonceur, il y a d’autres avantages : on est amené plus rapidement à piloter tous les leviers, et il est plus aisé d’harmoniser la stratégie sur tous les canaux :  affiliation emailing, social, display, etc. Je pense que la montée en expertise média est moins rapide, mais on est plus proche du métier.

Et la différence entre faire ton métier dans une agence classique et une data company comme 55 ?

Chez 55, l’ADN est « nativement » data. On est encouragé à utiliser des outils plus pointus, à pousser l’analyse plus loin. Une grande attention est porté à l’automatisation et à la production de tableaux de bord avancés. L’alliance des « media buying specialists » et des consultants, et la présence d’experts nous permettent d’être plus efficaces lorsqu’il s’agit de creuser des problématiques data.

Je ne sais pas si c’est propre à toutes les data companies, mais chez 55 on est très autonome. On nous fait confiance rapidement pour la gestion de plusieurs leviers, par exemple. Et en même temps, on est très bien entourés : la formation en continu est une réalité, on nous permet de faire évoluer notre expertise rapidement.

L’intelligence artificielle est le buzzword de 2018 : comment vois-tu l’avenir du métier de media buying specialist ?

L’ intelligence artificielle (IA) – ou tout du moins l’automatisation – est clairement de plus en plus présente sur de nombreuses facettes de mon métier, que ce soit en termes de gestion des enchères ou de ciblage. J’entends parfois dire que le travail de « media buying specialist » est donc amené à disparaître : je ne partage pas cet avis. Je préfère voir l’automatisation et l’intelligence artificielle comme des alliées précieuses. Utilisées correctement, elles permettent de faire évoluer positivement notre rôle. De nombreuses tâches opérationnelles deviennent moins chronophages. Il est alors possible d’allouer plus de temps à l’analyse et aux ajustements stratégiques pour être encore plus agile et efficient : création d’annonces automatiques et personnalisées en fonction des audiences, stratégies d’attribution et d’enchères data-driven etc.

Ces fonctionnalités, aussi efficaces soient-elles, nécessitent un paramétrage intelligent et un pilotage attentif. On connaît les variables des algorithmes de Google, de Facebook, mais pas leur pondération. Il faut rester vigilant en permanence, d’autant plus qu’une forme de dépendance à des technologies au fonctionnement peu transparent (les « boîtes noires ») peut rapidement s’installer, mais un dérapage imprévu est vite arrivé. Il faut alors un peu de temps pour rectifier le cap complètement. Intelligence humaine et intelligence artificielle, l’excellence dans la gestion de campagnes média se développera autour de l’alliance de ces deux forces.

Vous reprendrez bien une tasse de thé ?