Paroles de tech leaders : le rôle de CTIO au sein d’une data company

Home Blends & Trends 12 mai 2021

Invité du podcast « Paroles de Tech Leaders » de Tech.Rocks, Jean-François Wassong Partner et CTIO de fifty-five revient dans cet épisode sur son parcours depuis Google et les débuts de fifty-five. L’occasion de donner sa vision sur le métier de CTIO au sein d’une ESN et les grands bouleversements à venir pour l’écosystème.

A l’époque, ton départ de Google m’avait surpris, quelles étaient les raisons de ton départ ?

C’est une question qu’on m’a souvent posée, la plupart des gens n’ont pas compris ma décision de quitter Google. Il est vrai que l’environnement de travail était très enthousiasmant. Là-bas, mon rôle était comparable à celui d’un avocat des technologies Google ; je me rendais dans des forums de développeurs pour promouvoir les capacités des produits Google. Il m’arrivait aussi de travailler directement avec les clients de Google pour les aider à mettre en place certaines solutions. Mon départ s’explique par ma volonté de vouloir rentrer dans le détail, d’être mis véritablement en situation et voir fonctionner « pour de vrai » les outils que je proposais à longueur de journée. C’est à ce moment que j’ai eu l’opportunité de rejoindre un groupe en cours de création : fifty-five.  L’occasion pour moi de dérouler l’ensemble de la théorie que j’avais observée chez Google. 

Tu étais prescripteur et tu es devenu utilisateur…

Exactement. C’est d’ailleurs quelque chose qui m’est arrivé plusieurs fois au cours de ma carrière. 

Peux-tu nous présenter l’activité de fifty-five ?

Cela peut sembler assez bateau en 2021 mais en 2010, fifty-five se définissait comme une data company. Notre constat initial était le suivant : les annonceurs présents sur Internet investissaient des budgets publicitaires colossaux et avaient donc besoin d’évaluer la performance de leurs investissements sur l’ensemble de leurs assets digitaux. Informer et alimenter une conduite du business, prendre des décisions sur la base de données chiffrées. C’est ce que fait fifty-five.

Chez fifty-five, on trouve des consultants qui comprennent les métiers du client et leurs objectifs business, des experts du marketing digital capables de tirer le meilleur d’un environnement martech, et des équipes techniques d’intégration et de développement. Tout ce beau monde collabore pour mettre la vision globale en musique et l’implémenter concrètement.

As-tu directement rejoint fifty-five en tant que CTIO ?

Oui. Au début de fifty-five nous étions 10. Avec mon profil tech, j’avais de facto la position de doer. Au fur et à mesure mon rôle est passé de doer à coach, puis de coach à arbitre pour fédérer les énergies et les efforts de plus de 200 personnes.

Le rôle de CTIO s’adapte-t-il à la taille de l’entreprise ? 

Oui mais pas que. Dans la croissance de l’entreprise, il y a un choix qui doit être fait et qui souvent n’est pas clair au début : vend-on un produit ou un service ? Quand on a une composante technique, on a toujours la tentation de vouloir vendre comme produit ce qu’on sait bien faire. C’est un écueil à négocier avec soin car ce n’est faisable que si l’entreprise est organisée autour de cette volonté de faire un produit. Cette distinction-là est assez compliquée et structurante, et c’est elle qui fait avancer et évoluer le rôle de CTIO. 

Peux-tu nous parler de ton quotidien de tech leader ?

Mon quotidien a beaucoup évolué car nous avons désormais des équipes assez importantes et variées : des personnes qui vont s’occuper de l’intégration pour mettre en place des solutions de tracking, des ingénieurs qui vont développer des outils pour automatiser la manipulation de différentes plateformes digitales, des équipes DevOps et data engineering pour les traitements de donnée, des experts du marketing digital de l’écosystème, des data scientistes…. 

Mon rôle aujourd’hui s’articule autour de trois points. 

  1. S’assurer que tous les gens qui travaillent chez fifty five acquièrent de l’expertise et un enrichissement personnel parce que c’est ce qui fait notre force.
  2. Aligner les comètes. Nous avons des bureaux partout dans le monde. Il est donc nécessaire de réconcilier les travaux d’experts. 
  3. La qualité et la rigueur qui sont à la base de ce qu’on fait. 

La donnée marketing est assez sensible, les enjeux sécurité sont-ils importants pour vous ?

Oui. En réalité, différents phénomènes ont concouru à la sensibilité de la donnée marketing, notamment la pression de la RGPD qui a fait des données personnelles un enjeu pour les boîtes.

Êtes-vous affectés par la fin des cookies tiers ? 

Oui. C’est à la fois un événement perturbateur et une opportunité. 

La fin des cookies tiers revient à faire disparaître tout un tas de liens qu’on avait oubliés. Notre écosystème est un peu dans le déni, il y a un donc un gros mouvement de fond sur tout un tas de solutions innovantes à trouver ou à concrétiser pour retrouver une efficacité plus en phase avec les attentes liées au respect de la vie privée.

Pour maintenir la performance des ventes, il faudra donc être agile et avisé puisque beaucoup de choses vont cesser de fonctionner et de nouveaux outils vont émerger. Ces deux années qui viennent vont être très intéressantes. 

Y a-t-il des particularités à être CTIO dans une ESN ?

La grosse spécificité c’est le devoir d’agilité. Avec chaque client, les environnements sont différents, ce qui demande de l’adaptation. Selon la maturité des marchés, des sujets et des clients, on ne va pas du tout délivrer la même chose. Par exemple, un client qui démarre sur un sujet attendra une solution clé en main, mais voudra aussi éventuellement gagner en autonomie au fil du temps. A l’inverse, un client beaucoup plus mûr qui a déjà constitué ses équipes data aura seulement besoin d’une expertise ponctuelle pour amorcer un sujet. La difficulté réside dans la grande variété d’environnements, de mode de livraison, d’attentes clients etc. 

C’est un peu comme si tu étais le CTIO de plusieurs entreprises ? 

Exactement. Il faut systématiquement faire preuve d’empathie pour comprendre les attentes et les enjeux du client d’un point de vue technique. Il y a autant de solutions pour un problème donné que de capacités à accueillir cette solution. Au début, on peut naïvement croire que la solution que l’on a trouvée pour un problème pourra être répliquée et proposée à la terre entière. En réalité, il faut composer avec un existant, la capacité des équipes en place et la volonté d’investissement.

Les métiers du conseil sont souvent critiqués. Qu’est-ce qu’il te plait au quotidien et pourquoi est-ce intéressant de travailler dans une entreprise au service d’autres entreprises ?

On apprend énormément de ses clients. Il est très intéressant de voir comment fonctionne une organisation. C’est une telle mine d’enseignement comparé à la routine d’une structure unique d’entreprise. Selon moi, c’est en se confrontant à des réalités différentes que l’on se forge une opinion pertinente. 

Pourquoi aurait-on envie de rejoindre 55 ? 

Si on est intéressé par le digital et le marketing, c’est une très bonne école. Intégrer fifty-five permet de voir l’ensemble des métiers du début à la fin. D’ailleurs, beaucoup de gens nous rejoignent pour comprendre le marketing digital et la data. Notre rôle est de s’assurer que nos effectifs acquièrent de l’expertise et grandissent. On aime voir les gens grandir sur les sujets et gagner en épaisseur et en consistance. C’est quelque chose de très valorisé chez fifty-five, et indispensable pour la fluidité de communication entre des profils très divers. Entre quelqu’un qui s’intéresse au tracking de l’activité sur un site, un Data Scientist qui va  prédire des comportements et un expert des média qui va voir comment tourner ça en publicité efficace, le dialogue doit être fluide et efficace. 

Quelle est la réalisation dont tu es le plus fier ? Et le fail où tu as appris le plus de choses ? 

Au début de fifty-five, il y a quelques choix technologiques, dont  je ne suis pas très heureux. Je pense notamment à un framework qui s’appelait GWT et qui avait une vision assez séduisante : développer une interface une fois pour une expérience optimale sur tout type de device.  Ce n’était ni les premiers ni les derniers à avoir essayé cette approche, mais l’initiative n’a pas pris suffisamment pour qu’on dispose d’un environnement suffisamment efficace. Nous avons donc été amenés à privilégier d’autres approches moins ambitieuses mais plus rapides à mettre en oeuvre. 

Mais heureusement il y a plus de réussites que de fails ! Ces réussites sont très souvent des collaborations avec des clients qui ont duré longtemps et qui ont donné lieu à différents développements divers et variés. C’est toujours gratifiant de voir la collaboration avec un client prendre de plus en plus de facette et de profondeur.

En interne, je suis fier des outils que nous avons développés pour nos opérations. Par exemple des outils d’inspections automatisées qui nous permettent d’analyser ce qui a été mis en place sur des milliers de sites, des frameworks qui réduisent les temps de mise en production. Ce sont des choses qui nous rendent service au quotidien et qui fonctionnent vraiment bien. Quand on voit que cet outillage développé à Paris et utilisé de Taiwan à New York… c’est très satisfaisant.

 

Cet entretien a été retranscrit du Podcast Tech Rocks « Paroles de tech leaders ».

 

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