Facebook a 15 ans : des dortoirs de Harvard à l’empire du social

Home Blends & Trends 6 mai 2019

Après une ascension fulgurante, Facebook paraît s’enfoncer dans des scandales de plus en plus amers : fuites de données personnelles, fake news, diffusion de contenus violents ou illicites, ingérence politique… Ces tempêtes n’ont pourtant pas empêché Facebook de bâtir un véritable empire de la publicité en ligne, qui semble pour le moment peu remis en question. Retour sur 15 années d’existence (mouvementées) !

Trois défis sociétaux à relever : la protection des données personnelles, les fakes news et la publicité politique

Depuis les premières crises en 2016, avec notamment l’utilisation de Facebook par l’Etat Islamique pour diffuser ses messages de propagande, puis la diffusion de “fake news” lors des élections présidentielles aux Etats-Unis, jusqu’au scandale Cambridge Analytica en 2018… Nombreuses ont été les turbulences, qui n’ont cessé d’ébranler l’image de marque du réseau social.

Concernant les fuites de données personnelles ces dernières années, Facebook annonce prendre des mesures pour mieux protéger ses utilisateurs, en mettant la sécurité de la donnée au coeur de ses priorités pour 2019. Au-delà des déclarations de bonne intention, la plateforme a ainsi fortement restreint l’accès à ses fonctionnalités et données par des tiers, ou encore supprimé la recherche par numéro de téléphone.

La plateforme fait également face à de nombreuses problématiques de désinformation, notamment concernant la politique. Coquille vide remplie par les utilisateurs les plus actifs, mais pas toujours mieux informés, Facebook se transforme petit à petit en plateforme génératrices de fake news. Devenu média malgré elle, la plateforme doit dès lors prendre ses responsabilités face à la désinformation, mais aussi aux contenus illicites et violents. Elle embauche ainsi plus de 30 000 responsables de la sécurité et modérateurs, et utilise des outils d’ intelligence artificielle qui permettent notamment de repérer et bloquer 99.5 % des contenus liés au terrorisme avant même leur diffusion. La firme a également mis en place “Ad Archive API”, une librairie publique  archivant des informations sur les publicités problématiques ou en lien avec la politique, et disponible actuellement aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Brésil. L’idée serait ensuite d’étendre cette transparence de la publicité à d’autres pays, et notamment au Canada où les élections présidentielles approchent à grands pas.

Loin de l’idée première d’un simple hébergeur de contenu, ou simple canal de communication, Facebook se rapproche donc du rôle d’un éditeur, et possède dorénavant un pouvoir de censure. Un statut dont les contours restent flous, mouvant au gré des crises politiques et des revirements stratégiques de la firme.

Une base d’utilisateurs solide, mais un engagement friable

Facebook souhaite donc montrer patte blanche en étant de plus en plus transparent sur ses pratiques. Mais une question demeure quant à l’influence de ces scandales sur l’image de marque du réseau : les internautes ont-ils été réellement tenté de le quitter, une bonne fois pour toutes ? On aurait en effet pu s’attendre à un départ en masse du réseau, mais la réponse est plus nuancée.

Plusieurs mouvements lancés par les internautes eux-mêmes ont proposé une désinscription massive de Facebook, ou du moins une désinstallation de l’application avec notamment le mouvement #DeleteFacebook sur Twitter. Selon ses rapports financiers, Facebook a ainsi perdu 1 million d’utilisateurs quotidiens sur le troisième trimestre 2018 en Europe. 44 % des utilisateurs de 18 à 29 ans auraient quant à eux supprimé l’application Facebook de leur smartphone aux Etats-Unis (sans pour autant se désinscrire). Enfin, une étude menée par l’institut The Harris Poll, indique que seulement 22 % des américains font confiance à Facebook pour gérer leurs données personnelles, contre 49 % pour Amazon, 41 % pour Google et 39 % pour Apple.

Pourtant, malgré un ralentissement relatif, le nombre d’utilisateurs continue de croître sur Facebook, avec 1,64 milliard d’utilisateurs dans le monde en 2018, et 1,75 milliard estimés cette année selon eMarketer (soit une augmentation de 23 %). Au total, ce sont 2,7 milliards de personnes qui utilisent chaque mois les différentes applications Facebook, Instagram, Whatsapp ou Messenger. En effet, c’est surtout en Amérique du Nord et en Europe que l’utilisation du réseau s’essouffle, alors que la plateforme trouve de nouveaux relais de croissance en Asie-Pacifique, en Inde, au Vietnam, ou encore aux Philippines. De nouveaux utilisateurs, pour de nouveaux usages ?

 

Utilisation de la plateforme Facebook en 2018

Hors Instagram, Whatsapp et Messenger

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Source : estimations eMarketer, Facebook’s 2018 Year in Review 2018

Des investissements publicitaires toujours à la hausse

Toujours en lien avec les récents scandales, on aurait pu supposer une baisse des investissements publicitaires de la part des annonceurs sur le réseau social. Que nenni ! Les revenus fin 2018 de la plateforme s’élèvent à plus de 54 milliards de dollars, soit une croissance de 36 % selon eMarketer. Selon les estimations données par eMarketer, la croissance devrait ralentir en 2019, mais plutôt à cause d’une hausse de la concurrence et d’un resserrement des budgets marketing annuels.

Comme le démontre l’étude Global Facebook advertising benchmark publiée par Nanigans, la croissance des revenus de Facebook repose essentiellement sur deux tendances : la vidéo, et plus particulièrement l’investissement important des annonceurs sur le format “Stories” (vidéo non présente dans le fil d’actualités de l’utilisateur). 61 % des dépenses publicitaires des annonceurs se concentrent en effet sur le format vidéo, et l’on comptabilise 124 % de dépenses supplémentaires entre 2017 et 2018 sur le format “Stories”. Ces nouveaux formats plaisent assurément aux annonceurs, qui investissent sur ces nouveautés et en sortent largement gagnants. En un an, le CTR global sur les Stories a bondi de 52 %, ce qui démontre la pertinence de ce nouveau format.

Contrairement à un groupe comme Apple uniquement centré sur le consommateur final, Facebook est très tourné vers le B to B et propose des outils de marketing digital pertinents aux annonceurs et entreprises. Ils renouvellent sans cesse les formats proposés aux professionnels. Les utilisateurs ne s’en rendent pas compte parce qu’ils sont presque tous les jours dessus, mais votre fil Facebook n’a déjà rien à voir avec celui d’il y a trois-quatre ans »

Jérôme Colin, Head of Strategy & Automotive chez fifty-five, Les Echos

Avec ou sans scandales, les professionnels du secteur continuent d’observer un retour sur investissement publicitaire inégalé sur le réseau social. Plutôt que de quitter la plateforme, les annonceurs préfèrent donc prendre leur temps et laisser Facebook mettre à jour ses fonctionnalités en termes de privacy.

 

Nouveaux produits et tendances émergentes : Facebook se réinvente

La vidéo est donc une tendance qui se confirme et continuera de progresser. En 2018, Facebook a énormément misé sur ce format, et devrait poursuivre dans cette voie cette année encore. Voyons en détail quelques innovations lancées par la firme sur l’année passée…

 

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Tout d’abord, Facebook lance son espace dédié à la vidéo, Facebook Watch. Disponible dans un premier temps uniquement aux Etats-Unis, il est dorénavant accessible en Europe. En 2018, l’entreprise déclarait que 50 millions de personnes par mois utilisaient ce nouveau service en Amérique du Nord. Il propose d’une part de visionner les vidéos proposées par les pages déjà suivies par l’utilisateur, et d’autre part de visionner des vidéos recommandées par le réseau social via son algorithme maison. Cet espace permet également de visionner des vidéos pré-enregistrées. Pour vous y rendre, rien de plus simple, rendez-vous sur www.facebook.com/watch et connectez-vous sur votre compte Facebook. Sur mobile c’est encore plus simple, vous trouverez l’onglet dédié à l’espace Watch en bas de votre écran !

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Toujours en lien avec la vidéo, Instagram lance IGTV, la vidéo long format. Si auparavant Instagram ne permettait de poster que des vidéos d’une minute maximum, IGTV permet dorénavant de poser des vidéos pouvant durer jusqu’à une heure, en format vertical et en plein écran. Chaque chaîne IGTV est nécessairement reliée à un compte Instagram créé au préalable, mais peut être utilisée séparément. Alors que le pourcentage de films et vidéos longues visionnées sur petit écran s’élevait déjà à 50 % en 2017, on voit qu’Instagram surfe donc bien sur la tendance, instaurée notamment par des acteurs comme Youtube ou encore Netflix.

Autre tendance majeure : le social commerce ! Si la fonctionnalité Shopping existait déjà sur Facebook, c’est dorénavant sur Instagram que cette fonctionnalité voit le jour. Plusieurs posts et Stories possèdent dorénavant un lien vers un site e-commerce intégré à l’écosystème Instagram. Encore une fois, la société fait un grand pas vers les annonceurs, et leur propose des solutions faciles à mettre en place pour allier branding et performance.

D’autre part, selon les révélations du New York Times (et pas des moindres), Facebook lancerait sa propre crypto-monnaie d’ici l’été 2019. Un groupe de recherche dédié au sein de la société, dirigé par David Marcus, se serait formé pour travailler sur ce projet tenu top secret. Une réelle révolution dans le monde des réseaux sociaux !

Facebook n’a donc pas dit son dernier mot ! N’oublions pas que Mark Zuckerberg a récemment annoncé un revirement stratégique de la plateforme, qui se concentrerait dorénavant plutôt vers le développement de ses services proposants des échanges privés et cryptés entre les utilisateurs, comme Messenger ou Whatsapp. Ce revirement a été confirmé lors du récent F8, où l’ancien étudiant d’Harvard a commencé sa présentation par “the future is private” ! Conscient de la responsabilisation grandissante des plateformes face aux contenus diffusés, il demande également plus d’activité de la part des pouvoirs publics concernant la régulation d’Internet et des contenus publiés sur les plateformes. Une manière de se protéger tout en prêchant le bien commun ?

Vous reprendrez bien une tasse de thé ?