Data clean rooms : pourquoi les annonceurs ne pourront bientôt plus s’en passer

Strategy Consulting 21 janvier 2020

Il y a quelques mois de cela, un de mes amis, qui travaille pour une grande marque, m’a demandé s’il devrait ajouter Ads Data Hub, la data clean room de Google, à sa liste de priorités pour la fin de l’année. « Bien sûr », ai-je répondu. « La solution n’est pas parfaite, mais son utilisation te donnera accès à de nouvelles perspectives que n’auront pas tes concurrents. Sans compter que tu devras tôt ou tard travailler sur de tels environnements. »

La semaine dernière, alors que nous déjeunions de nouveau ensemble, je lui ai demandé si sa proposition avait été approuvée. « Non. Quand je l’ai suggéré, mon agence média me l’a refusé parce que je ne suis pas propriétaire de mes données publicitaires dans Google Campaign Manager. Le CTO a ajouté que ce n’était pas la politique de l’entreprise que d’utiliser Google Cloud Platform. Mon équipe média ne comprenait pas qu’elle aurait à utiliser du SQL, et Google m’a écrit pour m’informer qu’ils n’avaient de toute façon pas de place pour des bêta-testeurs. »

Ce type de scénario, assez commun, ne devrait pas décourager les marques de tester les data clean rooms. Mais il est indispensable qu’elles sachent à quoi s’attendre avant d’envisager l’adoption d’une nouvelle technologie telle que le Ads Data Hub ou son équivalent sur Facebook ou Amazon.

Une data clean room est par définition un environnement fermé où l’on peut spécifier et, dans le cas de Google, exécuter des requêtes personnalisées sur des données publicitaires stockées dans un walled garden. Comparé aux rapports issus de l’interface utilisateur, une data clean room permet d’accéder à des informations plus précises, mais ne produit que des données agrégées, pour 50 ou 100 utilisateurs. Les cas d’usage typiques incluent des analyses de portée ou de fréquence (reach and frequency) des annonces sur de longues périodes ou pour des audiences ciblées, des modèles d’ attribution sur des impressions visibles et des mesures d’audience avancées, à partir de données first-party.

Les data clean rooms sont le fruit des régulations d’une part, telles que le RGPD en Europe ou le Consumer Privacy Act (CCPA) en Californie, et d’autre part de la guerre du cloud computing. Elles ont été créées pour satisfaire les équipes marketing friandes de données tout en restant conformes aux régulations. À la croisée des sphères du CMO et du CIO, elles mettent à profit le cloud computing pour des cas d’usage marketing, et permettent à une nouvelle génération de data analysts d’exécuter des requêtes SQL ou Spark sur des données média et CRM.

Fondées sur un compromis entre les walled gardens et les régulateurs, entre les services marketing et IT, les data clean rooms ne font pas toujours l’unanimité ; ce qui ralentit leur diffusion. Mais elles vont assurément gagner en importance et il est donc important de s’y intéresser dès à présent, en dépit de certaines difficultés.

Propriété des données et compétences data : les obstacles à l’adoption

Certes, les data clean rooms requièrent la propriété des données média utilisées, mais en 2019 la propriété des données n’est plus une option pour les professionnels du marketing ; c’est un impératif.

Certes, elles demandent des compétences de traitement des données au sein d’environnements cloud spécifiques, mais n’est-ce pas justement l’occasion d’engager un dialogue entre les directions marketing et IT, et de traduire enfin les besoins métiers dans un langage compatible avec la data science ?

Enfin, leur accès a certes été limité pendant plusieurs années avec peu d’apps révolutionnaires, mais les marketers qui tiennent à garder une longueur d’avance devraient créer leur propres cas d’usage plutôt qu’attendre que Google, Facebook et Amazon n’inondent le marché avec des solutions prêtes à l’emploi.

Quelques conseils pour se lancer

Avant de commencer à utiliser une data clean room, les marques doivent définir des cas d’usage précis et se mettre d’accord avec leurs partenaires média quant à leur faisabilité. Si vous ne l’avez pas encore testé, le Google Data Hub est un bon début, car il offre davantage d’assistance et une plus grande variété de cas d’usage.

Les marques doivent prioriser l’optimisation de la portée et de la fréquence des annonces, le séquencement publicitaire et la mesure d’audience granulaire, plutôt que l’enrichissement du CRM et des analyses on-off complexes qui ne sont peut-être pas (encore) disponibles. N’hésitez pas à organiser une réunion de lancement avec toutes les parties prenantes (partenaires externes et internes, agences etc.) afin de présenter la vision du projet et son importance pour l’organisation. Tout le monde est plus à même de vous aider en étant impliqué dès le départ et en comprenant les bénéfices du projet.

Ensuite, il faut définir les personnes capables de construire et d’exécuter la requête. Le Ads Data Hub de Google propose une interface en libre service et un « bac à sable » (sandbox), mais concernant Facebook et Amazon, les marques devront peut-être les laisser gérer leur requête, et n’obtiendront qu’ensuite l’adresse d’un fichier CSV stocké sur Amazon Web Services. Elles doivent donc être au clair sur l’étendue de leur besoin, même s’il ne s’agit que d’un projet pilote.

Les équipes média et les agences doivent discuter du meilleur usage de ces nouvelles mesures. Par exemple, si elles gagnent en perspective quant au séquencement optimal des publications et vidéos pour accroître les ventes, elles doivent travailler sur de nouvelles stratégies de contenu avec leur agence créative. Si elles obtiennent de nouvelles données quant à l’impact de la fréquence des annonces visibles sur les ventes, elles peuvent mettre en place un protocole expérimental pour tester statistiquement l’influence d’une fréquence plus élevée ou d’une visibilité plus ciblée.

Enfin, elles doivent se tenir prêtes à itérer rapidement dans cet environnement en constante évolution, mettre en place des réunions régulières avec leurs partenaires pour être informées des nouveautés et adapter les cas d’usage en conséquence.

Tout comme les tendances au cloud for marketing et privacy by design, les data clean rooms ne sont pas prêtes de disparaître. Vouées à devenir bientôt indispensables, les marques ont tout intérêt à se familiariser au plus tôt avec l’utilisation de ces outils. Leur prise en main ne sera pas dénuée de difficultés, mais dans un contexte encore relativement confidentiel où peu de concurrents ont aujourd’hui accès à de tels outils, c’est un véritable trésor qui est à leur portée, pour ceux qui sauront l’utiliser !

Vous reprendrez bien une tasse de thé ?